Monsieur le Président,
Le Salon du Bourget s’est terminé il y a quelques semaines. C’est un moment apprécié des salariés, notamment de celles et ceux d’Ile de France qui ont plus facilement l’opportunité de s’y rendre. Ce moment est l’occasion pour eux et leurs familles de voir voler ce sur quoi ils travaillent tout au long de l’année.
Lors de ce salon vous avez fait plusieurs annonces.
Le projet Vortex est ainsi entré dans le lexique de chacun. Nous aimerions vous entendre sur l’état d’avancement de ce démonstrateur, ses caractéristiques techniques, mais aussi sur son contour industriel. Notamment si, un jour, une chaine de fabrication devait voir le jour.
Vous avez également officialisé un partenariat stratégique avec l’entreprise TATA. La CFDT comprends la nécessité de produire en partie sur le sol Indien mais s’inquiète que cela ne se fasse, à terme, au détriment de nos usines Française.
Les commandes Rafale export seront-elles toujours, à terme, produites en France ? Qu’en sera-t-il des commandes export qui ne seront pas destinées aux forces Indiennes ?
Enfin, ce partenariat et la prise de contrôle récente de Lauak par Wipro ne sont-ils pas annonciateurs d’une perte de compétences et de souveraineté française plus globale ?
Ce salon a été l’occasion pour vous de rappeler la vitalité et les compétences de l’entreprise. Notre société va bien. Vortex, Rafale F5, Drone, 10X sont autant de projet qui enthousiasme. La cadence 5 y a même été évoquée. C’est une chance et une opportunité.
Toutefois, pour être capable de mener de front tous ces programmes, il vous faudra compter sur des effectifs motivés, en bonne santé mentale et physique, formés de façon adéquate et disposant d’outils modernes en nombre suffisants.
La motivation est une des clefs du succès.
Mais malgré les nombreux succès de ces dernières années, l’entreprise peine à créer une dynamique, un choc d’humeur. Elle peine à mobiliser les forces et finalement à donner du sens et de l’envie.
Pour la CFDT il faut d’abord commencer par prendre l’habitude et le temps de fêter nos réussites. C’est nécessaire pour créer l’adhésion.
Ensuite il faut revenir à un niveau de sous-traitance acceptable.
Dilués parmi les nombreux salariés des sociétés extérieures, la nature des rapports et des échanges évolue et in fine c’est l’identité Dassault, ce sentiment d’appartenance, qui s’étiole.
cohésion et le sentiment d’appartenance est rendu difficile quand, comme à Cergy, plus de la moitié de personnes qui fréquentent l’usine ne sont pas salariés Dassault Aviation…
L’ascenseur social est lui aussi une source de motivation.
Il permet une certaine hétérogénéité des profils, avec parfois d’anciens compagnons ou technicien aux postes d’encadrement. La CFDT estime que l’ascenseur social décline et, de fait, éloigne les décideurs des problématiques du terrain. Ce qui affecte la motivation des équipes.
Enfin, vous proposez parfois pour certaines strates de l’entreprise des séminaires qui permettent le renforcement de la cohésion. Envisagez-vous d’étendre cette pratique à l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise comme cela se fait dans d’autres sociétés ?
La santé mentale et physique est un enjeu de premier ordre pour faire face aux défis à relever
Aujourd’hui la pression des délais est importante. On demande aux salariés de revenir aux performances connues, mais sans prendre en compte les réorganisations successives qui ont eues lieu, sans mesurer l’efficacité de celles-ci et sans impliquer les opérationnels dans l’organisation de leur travail.
Pour la CFDT les organisations sont trop verticales et n’impliquent pas suffisamment une nouvelle génération d’embauchés qui a soif de sens et de considération.
A l’image des réunions d’expressions qui n’ont jamais été prises au sérieux. Elles sont considérées comme une obligation, une contrainte, une perte de temps, alors même qu’elles devraient servir de levier de performance.
La montée en cadence et les challenges liés aux nouveaux programmes créent également du stress et affecte la santé mentale. C’est tout à fait normal. Mais cette pression doit être maitrisée et contenue.
Hélas, ce n’est pas toujours le cas. Il arrive, même aux plus haut niveaux de la hiérarchie, que cette pression, au lieu d’être contenue, soit rendue et amplifiée aux niveaux inférieures. Générant stress, anxiété, burn out, dépression, …
Le courrier d’une salariée démissionnaire a récemment beaucoup circulé. Sans le commenter, car nous n’en connaissons pas le fond en détail, il a toutefois ému une partie des salariés qui se sont reconnus dans cette détresse affichée.
Par certains aspects, il illustre des méthodes de managements qu’il est nécessaire de revoir.
Enfin les salariés sont chaque jour abreuvés de nombre d’indicateurs sur lesquels ils n’ont pas toujours moyen d’agir alors même que leurs problèmes quotidiens sont trop souvent ignorés.
La prise en compte des irritants quotidiens et des suggestions d’organisation des salariés contribuerait à une meilleure santé mentale de tous et probablement à une amélioration des performances.
La formation est vitale pour apprendre et appliquer correctement les méthodes.
Dans le tertiaire, depuis plusieurs années maintenant, les outils se multiplient (Sharepoint, Jira, Confluence et toutes sortes de KPI et Cockpits…).
Pour s’approprier ces outils, les formations ont presque disparues au profit d’informations, envoyées par mail à des salariés qui croulent déjà sous leur nombre.
Les supports pdf ne suffisent pas. Les formations suivies par des dizaines de salariés en même temps sur Skype ne suffisent pas.
L’absence de formation en salle réduit les échanges entre les salariés autant que les possibilités de comprendre le but recherché.
Dans beaucoup de bureau c’est la compréhension et le sens même du travail qui s’érode à force de formations inadaptées et d’indicateurs toujours plus nombreux.
On dit que quand un indicateur devient un objectif, il cesse d’être pertinent. Pourtant les salariés sont régulièrement challengé sur des dizaines d’indicateurs. Cela n’a pas de sens et cela fait perdre le sens même du travail.
Enfin nous voulions vous parler d’un irritant plus spécifique aux ateliers, "le petit outillage".
Vous investissez dans l’outil industriel. Nous ne le nions pas. Mais si de nouveaux moyens, de nouveaux bâtis, de nouveaux bâtiments voient le jour, en atelier, les salariés sont trop souvent confrontés au manque d'outils de tous les jours que sont les visseuses, perceuses, clefs à cliquet, aspirateurs portable, pinces, …
A l’heure où vous cherchez à revenir aux performances passées il est incompréhensible que vous acceptiez que les salariés attendent qu’un outil soit disponible pour pouvoir travailler.
Il est incompréhensible qu’il faille se déplacer plusieurs fois par jour pour aller chercher des outils plutôt que de les mettre en nombre suffisant à chaque poste de travail.
C’est à la fois une perte de temps mais aussi une source d’énervement pour les salariés concernés.
Si vous cherchez à gagner du temps, sachez qu’un recensement et un investissement massif dans le petit outillage est là aussi un moyen de travailler de façon plus sereine et plus efficace.
M. Le Président, la motivation, la bonne santé mentale et physique, la formation et la mise à disposition des outils sont les clefs de nos succès futurs. La CFDT vous invite à les mettre au cœur de la stratégie de l’entreprise pour les mois à venir.