Déclaration de la CFDT à la première ministre le 12 juillet 2023



Réunion multilatérale à Matignon
Intervention de Marylise Léon, Secrétaire générale de la CFDT, le 12 juillet 2023. 


Madame la Première ministre, monsieur le ministre, Merci de nous recevoir aujourd’hui.

Si la CFDT est aujourd’hui présente, c’est qu’elle attend de cette rencontre multilatérale un engagement fort de votre gouvernement à reconnaitre et faire une place à la démocratie sociale. Car c’est par l’engagement de chacun et chacune d’entre nous et c’est grâce à l’intelligence collective que nous ferons face aux défis sociaux et écologiques qui se posent à nous. Des défis qui deviennent de plus en plus lourds à chaque décision non concertée.

Nous constatons toutes et tous un niveau de colère croissant et de fortes tensions qui traversent notre société.

« Qui aurait pu prévoir ? »

Ces tensions ne sont pas nouvelles et nous vous alertons depuis plusieurs mois.

  • Le 5 avril puis le 16 mai dernier, la CFDT vous alertait sur la rancune, le ressentiment et la colère qui Ce 16 mai nous vous faisions des propositions concrètes pour instaurer la confiance et répondre aux attentes des travailleurs et travailleuses
  • En septembre 2022, nous vous prévenions qu’il n’était pas possible d’aborder le sujet des retraites sans parler du Travail.
  • En mai 2022, lors de votre prise de fonction, la CFDT vous a remis 75 pages de propositions et vous alertait déjà sur les tensions et fractures qui fragilisaient déjà notre démocratie.

 

Madame la Première ministre, entendez nos alertes.

Sous le poids des injustices et des inégalités, la société continue de se fracturer. Les discours d’exclusion ou de stigmatisation des plus précaires la fragmentent encore un peu plus. L’inquiétude, aussi, fait la part belle aux radicalités en tous genres – des radicalités qui risquent de trouver un écho retentissant lors des prochaines élections européennes.

Madame la première ministre, nous avons plus que jamais besoin de solidarité pour ressouder la société et affronter les défis de demain. Nous avons besoin de justice sociale pour redonner confiance.

Dans ce contexte de défiance et de colère :

LA CFDT APPELLE LE GOUVERNEMENT À TRAVAILLER AVEC LES ACTEURS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET À LEUR DONNER DES GAGES D’ÉCOUTE.

  • La plaie de la période retraite est encore ouverte et l’expérience des CNR n’aidera pas à cicatriser. Le risque, en continuant de balayer les propositions des acteurs qui s’engagent, c’est de susciter leur découragement. C’est un risque démocratique totalement démesuré au vu du contexte.
  • Un contexte de violences qui doit nous faire prendre la mesure de ce qu’elles disent des carences de notre République. Nous avons besoin d’une véritable politique de cohésion sociale, qui intègre les questions d’accès aux services publics, d’éducation, de transports, de santé, de logement et qui permette de relier les citoyens à leurs institutions, d’écouter et soutenir davantage les réseaux associatifs de proximité, les élus locaux, le système éducatif, d’écouter et protéger tous les citoyens où qu’ils vivent. La situation nécessite un travail en tant que tel des acteurs sociaux. Il n’y aura pas de solution miracle, mais ne rien faire, ne pas s’atteler à la tâche ne règlera absolument rien.

RÉPONDRE À LA PRÉOCCUPATION N°1 DES CITOYENS : LE POUVOIR D’ACHAT.

  • C’est aux employeurs, dans les entreprises et les branches de répondre à cette attente par la négociation avec les organisations Il s’agit des salaires bien entendu, mais aussi pour les branches professionnelles des classifications, de la mixité des métiers, de la participation tel que le prévoit l’ANI sur le partage de la valeur.
  • Mais vous pouvez les y inciter fortement en conditionnant les exonérations de cotisations sociales au fait que les minima de branche se trouvent au-dessus du 130 branches sur 171 ont encore des coefficients sous le SMIC !
  • Et pour avoir une vision plus complète des causes et des remèdes au développement de la précarité, nous vous rappelons que la CFDT demande la création d’une commission bas salaires.
  • La CFDT – elle - est prête à s’engager la preuve - avec cet agenda Avec le patronat, nous avons décidé d’avancer de manière autonome sur plusieurs sujets : Agirc Arco, la reconnaissance des compétences acquises dans le cadre des parcours syndicaux ou encore la prévoyance pour tous…
  • Sur d’autres sujets, nous avons besoin de l’engagement réciproque de votre Gouvernement.
  • La plupart des organisations présentes aujourd’hui se sont engagées à remettre le Travail au cœur des discussions de la rentrée.
  • Pour la CFDT, parler du travail, c’est agir sur les conditions de travail et prévenir l'usure professionnelle
  • C’est aussi parler des parcours professionnels et favoriser les évolutions professionnelles pour que personne ne soit cloué au SMIC toute sa vie. Je pense notamment aux travailleuses de la deuxième ligne qui depuis de longs mois attendent la juste reconnaissance de leur travail.
  • C’est aussi anticiper les transformations du travail en les accompagnant de dispositifs de reconversion professionnels. La transformation écologique est un défi colossal dans lequel la question des métiers, des emplois et des compétences ne peut être une variable d’ajustement. Ces dispositifs de reconversion sont une des clés de réussite de cette transformation nécessaire. Il n’y aura pas de transformation écologique sans transition juste.
  • Il nous faut aussi regarder comment créer un compte épargne temps universel, dispositif novateur de gestion du temps tout au long de la vie
  • Enfin, parler du Travail c’est parler des fins de carrière : alors que l’âge de départ à la retraite a été reporté, comment permettre à tous les travailleurs de continuer de travailler ? il nous faut réouvrir les discussions sur l’emploi des séniors.

 

Madame la Première ministre, nous souhaitons donc que ces discussions s’inscrivent dans le cadre de l’article L1 du code du travail. Qu’un seul document d’orientation soit concerté afin de permettre aux acteurs sociaux de disposer de toutes les marges de manœuvre pour une négociation.

Votre Gouvernement s’engage-t-il donc à une concertation préalable et à reprendre dans la loi les équilibres que nous aurons trouvés sur ces sujets ? Si tel est le cas, fixons-nous un horizon pour ces négociations qui permettrait une transposition en 2024.

Nous attendons de vous la même loyauté que sur l’accord partage de la valeur. C’est également ce que nous attendons pour la transposition de l’accord ATMP.

SUR D’AUTRES SUJETS, NOUS ATTENDONS UN POSITIONNEMENT CLAIR DE VOTRE GOUVERNEMENT.

  • Les ordonnances travail n’ont pas permis de dynamiser le dialogue social dans les entreprises, bien au contraire, et plusieurs études le démontrent. Acceptez-vous de remettre l’ouvrage sur le métier pour donner aux représentants des salariés les moyens d’exprimer les réalités du travail ?
  • La décision que vous venez de prendre sur l’apprentissage est difficile pour tous ceux qui agissent régulièrement au sein de France Compétences pour le développer. Oui, il faut réguler l’apprentissage mais il faut le faire avec les pilotes que nous sommes. Cela fait des mois, voire des années que nous vous disons qu’il faut un vrai pilotage de la formation professionnelle et une nouvelle méthode des couts contrats. Vous nous répondez en arbitrage budgétaire. Ça ne marche pas et ça serait encore pire si vous cumulez avec une décision incompréhensible sur un ticket modérateur sur le CPF. C’est aussi pour cela qu’on insiste sur la méthode qui sera donc
  • Sur l’Assurance Chômage, nous souhaitons que la discussion de la future lettre de cadrage permette d’avoir de vraies marges sur les règles d’indemnisation et la gouvernance. Les précédentes discussions ont montré toutes les difficultés à
  • Enfin, une alerte sur l’hôpital… Alors que l’été sera encore compliqué dans les hôpitaux, la période estivale est toujours critique mais cela va se traduire très concrètement pour le personnel hospitalier. Malgré les annonces du PR le 6 janvier, ça n’avance pas. L’accord Ségur de la Santé a 3 ans et les annonces faites par le gouvernement ne sont que des mesures qui ont déjà été négociées dans cet accord. La mise en œuvre du Ségur est impérative et n’est qu’une étape. Elle doit se faire par le dialogue social tant au niveau local que national.

 

Madame la Première ministre, la CFDT attend des engagements et des actes forts.

Si cet été doit être l’occasion de souffler (je le souhaite au plus grand nombre), cela ne veut pas dire que les difficultés disparaitront.

Ce n’est pas parce que les travailleurs ne défileront pas dans la rue que leurs attentes de reconnaissance auront disparues

Ce n’est pas parce que les villes / banlieues auront retrouvé un peu de calme que les raisons de la colère qui s’est exprimée récemment auront disparues.

Ce n’est pas parce que vous ne verrez pas de marche pour le climat cet été que cet enjeu ne mobilisera plus les jeunes.

Si la colère ne se manifeste plus, elle est toujours là. La moindre étincelle peut la rallumer. Il faut agir et des acteurs sont prêts à le faire. La CFDT en fait partie. Ouvrez cet espace.


Déclaration Marylise léon du 12 juillet Déclaration Marylise léon du 12 juillet